Ma technique :
sur papier, j’applique la gouache diluée à la plume Sergent-Major par un graphisme continu, sorte d’écriture sismique ininterrompue. J’obtiens chaque ton par superposition de couches de couleurs primaires, sans droit à l’erreur.
Malargé ou la tension paisible
L’œuvre de Malargé visite inlassablement des thèmes familiers aux habitués de ses expositions – pots et divers récipients principalement, mais aussi fleurs, fruits, animaux, etc. Cette succession serait anecdotique, et vaine, si son véritable enjeu n’était l’exploration obstinée par des moyens spécifiques d’un espace plastique.
Cette construction se développe selon une succession de périodes : à une série d’œuvres au chromatisme contrasté, intense et saturé succède une série à la palette restreinte, presque monochrome ; à des compositions animées par des courbes en mouvement continuel se substituent des lignes tendues ; après un agencement autour d’un vide médian survient un groupement central. Puis, progressivement, du sein même de la plénitude émerge un vide, tremplin lui-même vers d’autres aventures.
Il s’ensuit un jeu d’alternances par lequel une vaste gamme de possibles est parcourue. Des opposés sont mis en rapport, des contraires en harmonie, des tensions apaisées.
Un jour quelqu’un crut pouvoir dire : « Malargé, c’est les pommes. » Et depuis, si fort est son refus des étiquettes, elle n’a plus jamais peint de pommes. Tant il est vrai que ce balancement entre les pôles de la dissemblance, que ce rythme à l’image de la vie dans son double flux, que cette large respiration, lui donne accès à une liberté de création, lui procure équilibre et sérénité.
Questionnée sur le sens de ce travail, comme à son habitude, elle ne répond pas et détourne un sourire de sphinge. Néanmoins, au détour d’une conversation, on finit par entendre que chacun de ses objets familiers, déjà si souvent représentés, même abimés, même ébréchés, restent à ses yeux des contenants. Elle n’en dira pas plus, mais tout contenant étant par définition de l’ordre du féminin, mine de rien, elle a tout dit. On comprend, donc, qu’il s’agit là des différents angles de vue de l’auto-portait d’une femme que la vie n’a pas épargnée mais qui, malgré tout, affirme avec simplicité, pudeur et une certaine hauteur, son identité de femme et son rayonnement.
Paul Fuks